Stockage de l’énergie : la révolution tant attendue


Pour être menée à bien, la transition énergétique va impérativement devoir résoudre la problématique du stockage de l’énergie. Comment sinon synchroniser une production intermittente avec une demande variable ? Le stockage de l’énergie électrique permettra en outre d’améliorer l’efficacité énergétique tout en garantissant sécurité et flexibilité aux réseaux.

Indispensable au plein essor des énergies renouvelables intermittentes (ou variables), le stockage de l’énergie est aujourd’hui encore très limité dans le monde. Les centrales photovoltaïques ne produisent en effet pas d’énergie dès que le soleil faiblit, et donc pas la nuit. De même, les éoliennes s’arrêtent de produire dès lors qu’il n’y a pas de vent. Or selon une récente étude de Bank of America, stocker l’énergie deux à trois heures dans des batteries permettrait pourtant d’augmenter de 10 % à 15 % la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité. L’augmentation de la production d’énergies renouvelables ne se fera pas sans rapides progrès en matière de stockage.

Tout le monde n’est pas écossais

Pionnière en matière d’énergie éolienne, l’Écosse bénéficie d’un climat favorable et d’infrastructures éoliennes terrestres et offshore de pointe. Son cas est hors norme : 80% de l’énergie produite y est issue de l’éolien et de l’énergie marine. L’énergie éolien a même battu des records au cours de l’été 2019 : l’Écosse a produit assez d’énergie éolienne pour alimenter deux fois ses besoins !

Lisser les pics de production et les creux de consommation dans le reste du monde

Ailleurs sur la planète, où l’énergie renouvelable électrique est moins abondante, la production coïncide rarement avec les pics de demande, d’où des prix négatifs de l’électricité certains jours. Le stockage de l’électricité est donc la réponse qui permet de lisser ces pics de production et ces creux de consommation. C’est d’ailleurs une nécessité technique : le réseau doit être maintenu à une fréquence d’environ 50 hertz. Au-dessus (c’est-à-dire quand la production d’électricité est supérieure à la demande) ou en-dessous, c’est tout le réseau qui risque de céder. Maintenir un équilibre permanent entre consommation et demande est essentiel.

La fausse bonne idée allemande

L’Allemagne qui a fortement développé l’électricité renouvelable produit plus de CO₂ que pendant son ère nucléaire. Elle utilise en effet ses centrales à charbon pour adapter la production à la demande. Le pays a produit quasiment 800 millions de tonnes de CO₂ en 2018 (contre “seulement” 330 en 2017). Cela représente deux fois la production de CO₂ de la France… On est bien loin des objectifs à atteindre pour répondre à l’urgence climatique.

De l’intérêt des batteries

Le stockage par batteries ne répond pas seulement au nécessaire accroissement de la part des énergies de renouvelables dans la production d’énergie mondiale, mais ainsi aux besoins de « réserve primaire » exigée par l’Union européenne. L’objectif est d’être en mesure de répondre en moins de quinze minutes en cas de défaillance inattendue de la production en Europe. Chaque pays doit quotidiennement pouvoir mettre à la disposition l’équivalent d’un réacteur nucléaire du réseau européen. En capacité d’injecter de l’électricité sur le réseau de transport européen, les batteries ont un rôle fondamental à jouer dans ce dispositif de sauvetage. La CRE appelle donc à une accélération de l’effort concernant les batteries (lithium-ion, hydrogène, etc.).

Oui mais à quel prix ?

Si le coût d’une batterie lithium-ion a déjà baissé de 85 % entre 2010 et 2018, il devrait encore baisser de moitié d’ici à 2025. En effet, l’augmentation du parc de véhicules électriques permet déjà de profiter d’économies d’échelle. Mais le développement du stockage ne pourra pas pour autant faire l’impasse d’investissements très importants d’ici 2040.

De plus, l’écart de prix entre les périodes où la demande est la plus forte et celles où les capacités sont importantes ne cesse de progresser. Le stockage de l’énergie est donc financièrement de plus en plus intéressant.

Selon l’étude de la Bank of America Merrill Lynch sur le sujet, le stockage de l’énergie devrait progresser de 16 % en moyenne chaque année pour atteindre 27 milliards de dollars en 2030 puis 58 milliards en 2040.

L’arrivée de l’hydrogène vert ?

Cela sera-t-il suffisant pour passer d’une capacité planétaire actuelle de moins de dix gigawatts à plus de 1.000 gigawatts en 2040 ? Ou la solution devra-t-elle plutôt passer par l’arrivée d’un hydrogène vert, produit par électrolyse à base d’eau et d’énergie renouvelable ? Celui-ci pourrait jouer le rôle d’un énorme réservoir gazeux de stockage d’énergie.

Le délai nécessaire pour monter en puissance sur la production d’hydrogène vert à une échelle commerciale fait débat. La commission européenne a proposé le nouveau programme « Horizon Europe« , programme-cadre pour la recherche et l’innovation pour la période 2021-2027. Un de ses objectifs est notamment la création en Europe d’un secteur de l’hydrogène propre, innovant et compétitif. Les batteries et l’hydrogène vert sont sans doute la clé de la transition énergétique européenne et mondiale.

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